Personnages – Gérard Boulée

portrait de Gérard Boulée
Un crime contre le patrimoine

Gérard Boulée est le père d’Aurore.

Entrepreneur en bâtiment fort en gueule, il élève sa cadette en garçon manqué et cède à tous ses caprices. Opportuniste, il achète deux biens nationaux après la Révolution : le couvent des Capucins à Compiègne – dont il fait sa demeure familiale – et le château de Chantilly … qu’il fait raser et revend en pièces détachées.

Voici l’histoire racontée par Marie, sa fille aînée, dans la première version du roman (modifiée depuis) :

« Trois jours après la prise de la Bastille, le prince de Condé quittait précipitamment la France. Propriétaire du magnifique domaine de Chantilly que nous connaissions bien car il est assez proche de Compiègne, il quitta à regret son château, sa ménagerie, ses écuries ; Il pensait partir pour quelques mois, son absence dura 25 ans.

Comme beaucoup d’autres émigrés, ses biens lui furent confisqués par la loi du 8 avril 1792 et un expert fut désigné pour préparer la vente du domaine en plusieurs lots. Avant ce démembrement, un bataillon marcha sur Chantilly, les soldats se répandirent dans les appartements du château, emportèrent le linge, les meubles, les glaces, burent le vin des caves, pillèrent le poisson des pièces d’eau, arrachèrent les conduites en plomb et tuèrent les animaux de la ménagerie ; Seul le tigre, qu’on osa approcher, fut épargné.

Mon père et son associé, bien qu’ils déplorassent ces comportements, eurent l’idée de se porter acquéreurs des bâtiments dans le but de le démolir et de tirer parti des matériaux. Ils achetèrent le château le 17 juillet 1799 pour la somme folle de 11 millions de livres en assignats, ce qui, en réalité, ramenait le prix de vente à 115 000 francs. Mais un membre du conseil des Cinq Cents, les députés de ce temps-là, dénonça aussitôt cette vente consentie à vil prix. Mon père se ne laissa pas impressionner et publia un mémoire pour justifier son action.

Ayant toujours donné des témoignages de patriotisme pendant la Révolution, nous avons cru pouvoir, mieux que d’autres, nous présenter pour l’acquisition d’un domaine que le royalisme, toujours présent, semblait envisager comme mis en réserve par des hommes pervers qui espèrent le retour de Condé à la tête de la bande royale. Nous avons cru faire un acte patriotique en renversant cet odieux château, nous bornant à spéculer sur le prix des matières que nous pourrions en extraire. Dans cette opération, les aristocrates ne verront peut-être qu’une destruction : les patriotes y verront un trophée de la République.

Il obtint gain de cause, la vente fut confirmée et les travaux de démolition commencèrent : l’Orangerie, la Comédie, le temple de Vénus disparurent avant que mon père ne s’attaque au grand château. Plusieurs années s’écoulèrent et les démolisseurs en étaient arrivés aux fondations lorsque l’on constata que certaines conditions de paiement n’avaient pas été respectées dans les délais prévus. Mon père et son associé furent déchus du bénéfice de leur adjudication en 1804 et ne purent échapper à la faillite qu’en reprenant leur activité précédente, avec plus de sagesse. »

Il meurt en 1822 avant l’arrivée du baron Dubaret mais je l’aime beaucoup car il apporte à mon histoire une petite touche rabelaisienne !
Aurore a hérité de lui son tempérament audacieux et têtu qui provoquera (en partie) sa perte…

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